samedi 31 mai 2008

Nuit ouverte, Clémence Boulouque



« Et la nuit s’est ouverte et elle est restée déclose. » Paul Celan

Il y a certains auteurs qui nous marquent. D’autres qu’on ne serait probablement pas allé découvrir seul.Et au hasard d’un café littéraire, on fait une rencontre. Cosmique. Irréelle.

Une jeune femme se présente. Toute frêle, à peine trente ans, avec un regard qui semble perdu. Après l’avoir saluée dans le hall, je m’installe tranquillement, prête à écouter parler ce petit moineau.
Le roman qu’elle vient nous présenter se nomme Nuit ouverte.

L'actrice Elise Lermont
décide d'incarner le personnage de Regina Jonas, première femme rabbin au monde, ordonnée en 1935, décédée à Auschwitz en 1944. Grâce à ce rôle, Elise espère se libérer d'une culpabilité remontant à l'époque de l'Occupation allemande, pendant laquelle ses grands-parents se livrèrent à de troubles activités.

Le premier contact avec le livre a été douloureux. Les mots ne trouvaient pas de résonance en moi. Je peinais. Puis, vint la rencontre avec Clémence. Une femme forte malgré son apparence, d’une culture incroyable (elle parle 7 langues dont le russe et l’hébreu).
Pourquoi a-t-elle choisi de mettre en lumière le personnage de Regina Jonas ? en consultant un dictionnaire, elle tombe par hasard sur le nom de cette femme. Etrange coïncidence : Regina et son père (le juge Boulouque, chargé du dossier des attentats de Paris dans les années 80) sont nés et morts le même jour… Il n’en fallait pas plus à l’auteure pour partir à la recherche de cette première femme rabbin.

Ainsi, le nom de Regina Jonas nous parvient. Le mérite de Clémence est de ne pas être tombée dans le piège de la biographie romancée. Comme elle nous l’a expliqué « je me voyais mal écrire : Regina se leva et alla beurrer sa tartine ». Il fallait un style plus épuré qui relate les choix et les principes de Regina sans tomber dans la trivialité et la familiarité.

« L’histoire endort son souvenir. Regina Jonas est ensevelie d’oubli car on ne pardonne pas facilement à ceux qui ouvrent la voie mais ne réclament rien, et Regina n’était le tambour d’aucune cause. […] Quelques-uns prononcent son nom comme un mot de passe. Comme un être bon, dont le souvenir apaise. »

Les chapitres s’alternent entre la vie de Regina et la vie de la grand-mère d’Elise sous l’occupation, une vie de luxe, exempte de toute compassion. L’antithèse dégagée offre au roman un rythme binaire qui nous laisse à bout de souffle.

La plume de Clémence Boulouque est magnifique et c’est une auteure que j’ai hâte de retrouver !

Sa bibliographie :

Mort d’un silence, 2003
Sujets libres, 2004
Chasse à courre, 2005
Le goût de Tanger, 2005
Juives d’Afrique du nord, 2006
Au pays des macarons, 2006
Nuit ouverte, 2007
Mon avis : ++++

3 commentaires:

Joelle a dit…

Cela me tente bien à cause de l'histoire mais vu que je n'ai pas rencontré l'auteure, j'ai peur de galèrer comme toi au départ et de ne pas trouver le déclic !

sandrounette a dit…

Je ne saurais jamais si c'est grâce à la rencontre que j'ai pu finir le livre et me régaler...

Daniel Fattore a dit…

"Chasse à courre" vaut l'os, à sa façon. Bonne lecture donc! Et effectivement, il y a parfois des hasards qui font qu'on découvre des auteurs qu'on n'aurait jamais fréquentés autrement.