samedi 28 mars 2009

Parfum de glace, Yôko Ogawa

Que faire lorsque son compagnon se suicide? Voici le point de départ de ce roman plus qu'étrange... Ryoko est une jeune japonaise d'une trentaine d'année confrontée un beau jour à un coup de téléphone fatidique qui lui annonce le suicide de Hiroyuki, créateur de parfum. Je ne dévoile rien du suspens puisqu'il s'agit de l'incipit du roman. La grande question est pourquoi. Pourquoi un homme qui, à priori, n'a rien d'un dépressif met fin à ses jours?

Ryoko va essayer de reconstituer les pièces du puzzle de l'enfance de son amant. Prétexte de l'auteur pour s'attaquer à un sujet beaucoup plus profond: moi et autrui. Tout autour de soi n'est qu'illusion et faux-semblant. Alors qu'elle vivait avec cet homme depuis un an, elle ne le découvre qu'après sa mort. En refoulant le chemin de son enfance, Ryoko apprend les différentes facettes de son défunt compagnon: tour à tour nez, mathématicien de génie, aide pour les enfants aveugles et patineur artistique de haut vol, il apparaît en filigrane, aussi léger et évanescent que "Source de mémoire", fragrance créee pour Ryoko.

Plusieurs sentiments se mêlent à la lecture de ce Parfum de glace. Tout d'abord le lecteur est dérouté. Il est comme enveloppé dans un nuage d'encens qui trouble la perception de la réalité. Ryoko est en train de faire son deuil en partant en pélerinage sur les traces de son amour perdu et tout se brouille sans pour autant laisser le lecteur de côté. Car, finalement, le plus important n'est pas de savoir pourquoi Hiroyuki s'est suicidé (d'ailleurs on ne connaît toujours pas la raison lorsque l'on referme le roman) mais de (res) sentir. A pas feutrés, Yôko Ogawa nous accompagne dans le domaine de l'intime et de l'impalpable, là où seule la magie poétique peut fonctionner.

Lire aussi l'avis d'Hathaway et celui de Loutarwen qui m'a donné envie de lire ce roman!


lundi 9 mars 2009

Un safari arctique, Jorn Riel

Voici ma deuxième rencontre avec les aventuriers groenlandais de Jorn Riel. J'avais lu le dernier opus pour une séance du Blogoclub consacré à cet auteur, Les ballades de Halldur et autres racontars, que j'avais beaucoup aimé.
Nous voilà donc reparti vers ces contrées inconnues où vivent toujours les mêmes trappeurs à savoir Valfred, Mas Madsen, le Lieutenant... entre autres. Ces six petites nouvelles sont bien rafraîchissantes et toujours aussi agréables à lire.

Celle que j'ai préférée est la dernière, intitulée "le rat". Un rat débarque sur l'indlansis en même temps que le ravitallement et cause un tracas de tous les diables à Valfred. Savoir que ce dernier traque des ours ou autres boeufs musqués sans éprouver beaucoup de crainte et hurle de terreur à la vue d'un vulgaire petit rat! Hilarant! J'ai adoré la fin qui montre à quel point les trappeurs sont railleurs!
J'ai lu deux tomes sur les huit que comptent les racontars arctiques ça fait toujours aussi plaisir de retrouver tous ces hurluberlus et leur mode de vie... arctique!

Retrouvez l'avis d'Hathaway (comme le veut la coutume ;)

samedi 7 mars 2009

La femme en vert, Arnaldur Indridason

Bienvenue en Islande! A Reykjavik, lors d'une fête d'anniversaire, un bébé s'amuse à sucer un morceau d'os...humain! Pendant la construction d'un immeuble lors de l'extension de la banlieue de la capitale, un squelette est découvert.
S'engage alors une course poursuite contre l'Histoire. Erlendur et ses deux collègues Sigurdur Oli et Elinborg, vont enquêter sur ce mystérieux squelette pour l'authentifier.

Le lecteur est plongé dans l'enchevêtrement de plusieurs histoires qui finissent évidemment par se rejoindre. J'aime beaucoup ce genre de roman où les points de vue se confrontent et j'ai été servie! Je suis désolée ma chère Hathaway mais, une fois de plus, il est question de violences conjugales dans ce roman (que tu as choisi!), violences insoutenables par la force de leurs descriptions. On ne peut que souffrir avec cette femme et pester à voix haute des injures plus ou moins forte contre son mari.
J'ai également été surprise par les méthodes d'investigation islandaise même si ce roman se passe dans les années 90: à chaque nouvel indice découvert, ils se précipitent chez les familles des suspects pour leur annoncer des soupçons qui sont totalement infondés! Pourquoi cette précipitation? Je dois certainement trop regarder "Les Experts" et autres "Cold Case" m'enfin...

Ce détail mis de côté, j'ai vraiment beaucoup aimé ce polar islandais. Les noms sont rigolos et en totale inadéquation avec le fond noir et triste de l'histoire. Ce paradoxe n'enlève rien au charme de l'écriture d'Arnaldur Indridason! On halète à la fin lorsqu'on croise cette fameuse "femme en vert". Même si son identité ne fait plus aucun doute quelques chapitres avant le dénouement.

J'avais lu beaucoup d'éloges sur cet auteur venant du froid et je confirme qu'il est vraiment à découvrir!

A lire une interview de l'auteur sur Evene et les avis de Fashion et Tamara, entre autres!

jeudi 5 mars 2009

La maison sur le rivage, Daphné du Maurier

Pour notre plus grans plaisir, Daphné du Maurier est notre Aristochat jusqu'au 31 mars. N'ayant jamais rien lu d'elle, je me suis procuré ce roman à ma bibliothèque.

Richard est en vacances dans les Cornouailles dans la maison prêtée par son ami Magnus. Sauf qu'il ne s'agit pas de vacances ordinaires : Magnus est un savant réputé faisant toute sorte d'expériences. Sa dernière lubie consiste à étudier les méandres du cerveau sous une drogue dont il est le créateur.
Il demande à son meilleur ami, Richard, de devenir son cobaye et d'effectuer des "voyages" afin qu'il puisse ensuite étudier ses différentes réactions.

Richard, en bon ami un peu docile, accepte d'effectuer ces voyages. C'est alors qu'il se retrouve le double fantomatique de Roger, intendant de la province de Cornouailles au ..... XIVème siècle! Comme dans un film, Richard assiste aux événements sans pouvoir y prendre part et devient de plus en plus accroc à ces virées historiques. Il ne pense pas aux conséquences que cela peut avoir... En effet, son inconscient prend complètement le pas sur sa conscience et il peut parcourir de nombreux kilomètres sous influence de la drogue sans s'en rendre compte dans le monde réel.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui, je me rends compte, est très difficile à résumer. Daphné du Maurier nous transporte dans le quotidien de cet homme sain d'esprit au départ et qui sombre peu à peu dans l'accoutumance et dans la folie douce. Il ne vit plus que pour ces personnages morts il y a des siècles, et quand sa femme arrive avec ses enfants, tout se complique... J'ai nettement préféré les chapitres consacrés aux sauts dans le temps: une précision historique et topographique indiscutable, une écriture qui glisse à travers le temps et l'espace.

Même si j'aurais préféré une fin un peu plus alambiquée, j'ai passé un très agréable moment en compagnie de Mlle du Maurier et de ses personnages surgis du passé!

mardi 3 mars 2009

Chinoises, Xinran

Xinran est une journaliste radio dans une Chine qui panse les plaies de la Révolution culturelle. Entre 1987 et 1995, elle a animé de 22h à minuit "Mots sur la brise nocturne", émission où elle invitait les femmes à donner leurs avis sur la société. Cela s'est vite transformé en débats et témoignages poignants que Xinran ne pouvait diffuser car la censure est malheureusement toujours d'actualité dans cette décennie. Grâce à sa compassion et à son ton toujours dans le juste, la journaliste acquiert une bonne réputation et recueille de nombreuses confessions de femmes bafouées par leur famille, le Parti, la vie...

Elle décide de consigner ces mémoires féminines dans ce livre afin que tous (et en particulier les occidentaux) puissent se rendre compte du peu de considération de la femme dans le régime de Mao et encore aujourd'hui.
Le directeur de programme de sa radio l'interpelle pour qu'elle couche sur le papier la vie de ces femmes:

" Xinran, vous devriez écrire tout cela. Ecrire permet de se décharger de ce qu'on porte et cela peut aider à créer un espace pour accueillir de nouvelles façons de penser et de sentir. Si vous n'écrivez pas ces histoires, leur trop-plein va vous briser le coeur."

Et quel bien lui en a pris! Un petit bijou est né dans la sueur du labeur de ces chinoises, dans les larmes que leur a infligé la révolution culturelle (quelle horreur!), dans leurs plaies qui ne se refermeront jamais. Ce n'est pas une lecture de tout repos: on entre dans l'intimité la plus pure de ces laissées pour compte et Xinran ne nous épargne rien: ni les viols, ni les tortures, ni les deuils... Et on en sort grandi.

Quand on lit l'histoire des mères ayant survécu au tremblement de terre ou bien l'histoire de cette femme séparée de force de son amour pendant 45 ans sans parvenir à tourner la page, l'histoire de toutes ces chinoises se font l'écho de notre propre histoire et on ne peut que ressentir un peu de honte de nos vies si "faciles" en comparaison. Grâce à une plume qui vient du coeur et qui ne tombe jamais dans la pitié, Xinran lève le voile sur toutes ces femmes qui gagnent à être connues.

"A l'époque, en Chine, écrire un livre tel que celui-ci m'aurait peut-être valu la prison. [...] En Angleterre, le livre est devenu possible. Comme si une plume avait poussé dans mon coeur."

dimanche 1 mars 2009

Ritournelle de la faim, Jean-Marie Gustave Le Clézio

Exceptionnellement le Blogoclub n'a pas choisi un livre ayant un thème précis mais nous avons choisi de lire et de découvrir pour certains (ce qui est mon cas) un des nombreux romans du prix Nobel de Littérature JMG Le Clézio.
J'ai hâte de découvrir les différents billets des autres membres du club et de savoir quel livre a été choisi en majorité.

En allant farfouiller à l'avance dans les rangées de ma bibliothèque, je suis tombée sur son dernier roman "Ritournelle de la faim". La quatrième de couverture m'a interpellée et l'avant-propos également. Il ne m'en fallait pas plus pour repartir avec mon exemplaire sous le bras.

En 1931, la bourgeoisie parisienne vivote entre luxe, oisiveté et investissement immobilier plus ou moins fructueux. Ethel est la fille unique d'un de ces couples. Petite fille modèle, très choyée par ses parents et son grand-oncle Samuel originaire de l'Ile Maurice, elle a foi en un avenir doré.
A l'école, elle découvre l'amitié à travers le regard de Xénia, jeune fille exilée de Russie et vivant modestement dans la capitale française. Ethel va apprendre l'humilité mais également les moqueries et les trahisons de cette amie sans s'en inquiéter outre mesure. Tout aurait pu continuer ainsi si l'ombre du troisième Reich ne planait sur cette jeunesse pleine d'espoir...

Encore une histoire ayant pour fond la seconde guerre mondiale... C'est ce que je me suis dit quand le cercle des parents d'Ethel commence à parler d'un chancelier allemand nommé Hitler. Et puis tout dérive. Car ce qui intéresse Le Clézio n'est pas l'Histoire mais l'histoire d'Ethel et de sa famille se mélant à la grande Histoire. On suit ainsi les mésaventures de cette adolescente parvenue à l'âge adulte trop tôt à cause d'un père l'ayant dépossédée de tout un héritage qui lui revenait de droit et devant assumer les erreurs de ce dernier.
La bourgeoisie nantie se retrouve à la rue et soumise au règne du plus fort, c'est-à-dire l'envahisseur allemand. Le lecteur traverse cette période difficile aux côtés d'Ethel qui n'abandonnera jamais ses parents à la misère malgré tout.

J'ai beaucoup apprécié ce roman qui était pour moi une découverte de cet auteur. Son écriture se situe au plus profond des gens, sans jugement de valeur. En conteur, il expose l'histoire d'Ethel, ponctuée par deux superbes manifestes sur la faim en début de roman (la faim qu'il éprouvait en étant enfant) et en clôture (de colère, d'absolu, de vivre) transformé en litanie par le Boléro...

Je vous invite à aller sur les blogs de Sylire et de Lisa, nos chères organisatrices, pour retrouver tous les liens des membres du Blogoclub!

Rendez-vous le 1er mai pour le prochain numéro du Blogoclub consacré au Mexique avec des billets sur "L'instinct d'Inez" de Carlos Fuentes.